Le secteur irlandais des jeux d’argent a jusqu’à présent brillé par une anarchie manifeste en ce qui concerne sa réglementation. Des acteurs qui n’avaient à priori rien à voir avec cette activité y faisaient la pluie et le beau temps sans être inquiétés, et cette situation a fait décoller le nombre de joueurs problématiques. Un cadre juridique existe pourtant, mais il n’est plus adapté au contexte évolutif de ce secteur. Le gouvernement et le parlement travaillent à cet effet à la mise en place d’un projet de loi inédit pour répondre aux contraintes de cette industrie.
Le cadre juridique en vigueur est obsolète et nécessite une mise à jour
L’Irlande travaille sur son tout premier projet de loi sur la réglementation des jeux d’argent et sur la formation d’un organisme de surveillance de l’industrie dans le but de traiter efficacement les problèmes croissants de jeu problématique. Les efforts en vue d’instaurer une réglementation plus pratique de l’industrie du jeu en Irlande gagnent du terrain après que le comité mixte sur la justice a publié un rapport concernant l’examen prélégislatif du régime général du projet de loi sur la réglementation des jeux. Le rapport a été rédigé après un profond engagement des principales parties prenantes de l’industrie pour le rendre aussi informatif que possible et servir de référence pour une approche pratique.
La proposition de réglementation a été déposée, à la suite de plusieurs études ayant révélé une augmentation des cas de jeu problématiques en Irlande. Cependant, il n’existe aucune autorité centrale dédiée à la gestion de ces problèmes. En l’absence de ce type d’instance, il est de plus en plus difficile d’atténuer les effets du jeu compulsif dans le pays. Toutefois, cela ne signifie pas qu’il n’y a aucun cadre juridique régissant l’industrie, mais avec l’évolution rapide des tendances du secteur, une mise à jour s’avère nécessaire.
Actuellement, il existe quatre lois couvrant les paris, les jeux d’argent, les loteries et totalisateurs en Irlande. Néanmoins, en l’absence d’un organisme spécialisé de réglementation, de nombreuses autorités n’ayant pas de connexion avec l’activité des jeux d’argent fournissent des services tels que la délivrance de certificats d’aptitude personnelle et de licences de jeu aux opérateurs nationaux et étrangers. Il s’agit notamment des commissaires aux impôts, du département de la justice et de l’égalité, de la police irlandaise, du régulateur de la loterie nationale, du ministère des Finances et de la banque centrale d’Irlande.
L’Irlande enregistre une croissance vertigineuse du nombre de joueurs compulsifs
Le projet de loi sur les jeux de hasard est censé être une version mise à jour, car il traitera d’éléments qui ont été omis dans tous les précédents régimes. En début 2022, le gouvernement irlandais a inclus le schéma général du projet de loi sur la réglementation des jeux datant d’octobre 2021 sur la liste des législations prioritaires de cette année civile.
L’addiction au jeu a été un sujet de préoccupation pour de nombreux pays et États, et l’Irlande n’a pas été épargnée par ses effets. Des rapports de 2022 indiquent que le pays compte plus de 200 000 joueurs compulsifs, dont 45 000 dans la catégorie des cas graves. Un éditorial de l’Irish Times datant de 2019 a rapporté que, pour 67 % d’Irlandais se livrant aux jeux de hasard, 4 personnes sur 10 le font de façon régulière. Cet éditorial a révélé également certaines conclusions selon lesquelles des opérateurs facilitaient par inadvertance le jeu des mineurs, ceci en ne faisant preuve d’aucune diligence raisonnable lors de la vente des tickets de loterie et bien d’autres.
Sur la base de ces statistiques, un organisme de surveillance du secteur des jeux et sur le point d’être créé afin d’assurer la sécurité publique et réguler les opérations de jeux de hasard en ligne et en personne. Cette autorité aura pour mandat non seulement de proposer des règles de jeu, mais aussi de les faire appliquer où cela s’avère nécessaire. Il sera dénommé autorité de régulation des jeux d’argent d’Irlande. Entre autres attributions, il aura la charge de la délivrance et de la révocation des licences de jeux. En outre, il devra développer des garanties afin de lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme dans le secteur.
Les parlementaires tablent pour une mise en activité anticipée d’un organe de régulation
Taoiseach Micheal Martin, qui soutient pleinement la mise en œuvre du projet de loi sur les jeux d’argent, a déclaré que la dépendance au jeu devrait être abordée de la même manière que la dépendance au tabac, avec des règles strictes en matière de publicité. Ayant instauré l’interdiction de fumer sur les lieux de travail lorsqu’il était ministre de la Santé, il s’est adressé aux journalistes à l’occasion d’une rencontre à Punchestown. Les représentants du gouvernement étaient présents à cette rencontre initiée par l’association irlandaise des bookmakers. Martin en a profité pour souligner la nécessité de prendre conscience des défis et de l’impact traumatique de la dépendance au jeu sur les individus et les familles.
Les autres parties ayant proposé la limitation ou l’interdiction des publicités sur les jeux d’argent sont le parti travailliste irlandais, l’association des joueurs gaéliques et l’association sportive gaélique. L’autorité indépendante des jeux de hasard devrait officiellement entrer en activité courant 2023. Toutefois, il est possible que son lancement survienne plus tôt que prévu, à la suite d’un appel de certains parlementaires qui souhaiteraient voir cette instance fonctionner avant la fin de cette année. Une provision de 500 000 euros a été faite dans le budget pour la création de cette autorité et la désignation d’un PDG a été entreprise en février dernier.
Tandis que le pays s’apprête à finaliser et ratifier le projet de loi, l’association européenne des paris et jeux d’argent a relevé certaines inquiétudes relativement à l’interdiction des paris gratuits. L’organe suprême de régulation pour l’industrie du jeu pour les États membres de l’Union européenne a souligné que, si le gouvernement irlandais envisage de juguler l’avidité des joueurs, cela entraînerait la croissance des opérateurs du marché noir. La question qui demeure est de savoir si les législateurs en tiendront compte lors de l’élaboration d’un projet de loi.
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