Un juge du tribunal de Kiev vient d’ordonner le blocage de 59 sites en ligne de jeux de hasard. Cette mesure s’inscrit dans le cadre d’une série d’actions répressives contre l’industrie du jeu d’argent, devenue illégale en Ukraine en 2009. Plusieurs projets de loi visant à légaliser et réglementer ce secteur, dont le dernier en janvier 2020, ont déjà été proposés sans toutefois aboutir. Les développements récents semblent résulter de confrontations entre groupes d’intérêts différents au sein de l’État.
Une offensive contre le jeu en ligne menée depuis 2009
Depuis 2009, la loi ukrainienne, à quelques rares exceptions, interdit toutes les formes de jeux de hasard. Ce choix fait par le législateur a été déclenché par la survenue la même année d’un incendie dans une salle de jeu dans la ville de Dnipropetrovsk. À cause de la difficulté de contrôle d’Internet, les sites de jeu en ligne représentent une alternative intéressante pour les parieurs dans les pays où la loi s’oppose aux jeux d’argent. Mais depuis le début de l’année, le gouvernement accentue la pression, afin de réprimer totalement le jeu de hasard.
Après avoir été saisi par le Service de sécurité ukrainien (SBU), un tribunal a ordonné aux fournisseurs d’accès Internet (FAI) de bloquer 59 sites de jeux de hasard en ligne. Cette décision prononcée à la mi-mai par le juge Oksana Hardina, ne peut donner lieu à aucune forme de recours. Les FAI doivent simplement s’y conformer. Il ne s’agit pas d’une première. Déjà en février dernier, une demande similaire avait été transmise aux FAI opérant en Ukraine. Elle émanait de la NKRZI, la commission nationale de régulation des communications et de l’information, et touchait près de 32 sites de jeux de casino.
Un cadre règlementaire contesté et des enjeux complexes
Depuis l’interdiction des jeux de hasard en 2009, ce secteur fait l’objet de confrontations importantes. Les loteries sont restées autorisées, mais sont sous le contrôle de l’État. L’interdiction a donc causé la croissance d’une industrie illégale du jeu, évaluée à plusieurs millions de dollars, mais qui fait aussi l’objet d’une forte répression par l’État. Les positions au sein de l’appareil d’État ne sont pas toujours uniformes.
Le président Zelensky, élu en mai 2019, affirmait son soutien à une légalisation des jeux de hasard. Il s’agissait notamment d’installer de façon bien spécifique des casinos dans des complexes hôteliers autour de la Mer noire, afin de booster le tourisme et l’économie locale. En 2015 et 2017, des projets de loi pour la légalisation avaient vu le jour, mais sans aboutissement. Le dernier en date a été approuvé le 17 janvier 2020. Présenté par Oleg Marusyak, ce projet de loi 2285-D a obtenu 260 voix favorables sur les 450 députés présents. Il fixe notamment les différents montants des licences selon le volume d’activité et le nombre total à attribuer. Il définit aussi l’âge minimum du joueur à 21 ans et le nombre de machines à sous maximal à 40 000 pour l’Ukraine entière.
Les nouvelles sanctions ne font donc pas l’unanimité. Et pour cause, certaines des plateformes désormais interdites font partie des plus populaires. On peut citer PartyPoker, Pinnacle, et CloudBet entre autres. Elles ont figuré dans la liste de sites de jeux interdits en février, la dernière liste interdite par le juge n’ayant fait jusqu’ici l’objet d’aucune publication. Plusieurs acteurs du secteur du jeu font pression sur le gouvernement pour une loi de légalisation, arguant qu’une loi d’encadrement a plus d’effets positifs qu’une interdiction pure et simple. Une attitude qui laisse croire à certains acteurs que les élites politiques et les loteries veulent garder le contrôle sur l’industrie du jeu de hasard en verrouillant l’accès aux entreprises privées. Concernant particulièrement la dernière mesure d’interdiction, la SBU affirme d’ailleurs que toutes les mesures seront prises pour traduire en justice les contrevenants à la loi sur l’interdiction des jeux d’argent en ligne.
Cette ordonnance du tribunal de Kiev – qui conduit au blocage en Ukraine de 59 sites de jeux de hasard – peut s’inscrire dans un mouvement plus large de renforcement du contrôle de l’Internet par l’État. Le 16 mai, la présidence ukrainienne a promulgué un décret qui interdit l’accès à plusieurs sites et services Internet russes.
Laisser un commentaire