Un sournois conflit de générations traverse le Groupe Barrière et risque de provoquer sa chute. Lacharrière, inquiet de la gestion patrimoniale de Dominique Desseigne s’impatiente, tandis qu’Accor rôde autour.
Une entreprise centenaire qui ne veut plus se transmettre ?
Fondé par François André, le Groupe Barrière est une entreprise familiale qui a vu se succéder à sa tête quatre dirigeants depuis sa création. Légataire universel de François André, Lucien Barrière prend les rênes de l’entreprise en 1961. À Trouville-sur-Mer, Royan, Saint-Malo et Enghien-les-Bains, il achète de nouveaux établissements et se jette dans une vaste entreprise de modernisation. Des projets de rénovation que Diane Barrière-Desseigne, sa fille adoptive, poursuivra après lui avoir succédé en 1990 après son décès. C’est sous son règne que le Groupe Accor va prendre des parts significatives dans la société des hôtels et casinos de Deauville. Suite à son accident d’avion en 1995, le Groupe Barrière est codirigé dès 1997 avec son époux Dominique Desseigne. Il deviendra après le décès de Diane Barrière-Desseigne, l’unique dirigeant de cette entreprise familiale qui compte aujourd’hui 17 hôtels de luxe, plus de 120 restaurants et bars, 34 casinos, dont 6 parmi le top 10 des casinos en France.
Une entreprise en crise
En partenariat avec Fimalac qui détient 40 % du groupe depuis la cession par Accor de sa participation, le Groupe Lucien Barrière est devenu depuis 2015, simplement Barrière. Après la fermeture de son poker en ligne en 2013, c’est le Covid-19 qui va obliger le Groupe Barrière à fermer ses casinos dès le 15 mars 2020. Depuis lors, environ 200 emplois ont été supprimés et près de 200 millions d’euros de chiffre d’affaires perdus par les Casinos Barrière un an. Afin d’apporter une bouffée d’oxygène au leader des casinos en France, l’État s’est porté garant de deux prêts d’un montant total de 120 millions d’euros. Auprès de ses banques, l’entreprise centenaire négocie un nouveau prêt de 50 millions, ce qui signifie qu’elle enregistrera d’ici là une créance de 400 millions d’euros environ.
Orgueil et préjugés à l’origine d’une crise familiale
Le véritable problème du Groupe Barrière n’est pas financier même si tout ce qui précède le laisse croire. Comme l’indique un document interne à l’entreprise, sa situation et son avenir « sont loin d’être si alarmants que la communication ne veut le laisser entendre ». Conscient d’ailleurs de cette situation et loin se laisser entrainer par le catastrophisme de la presse, la CGT a demandé et obtenu du tribunal de Pontoise d’obliger le Groupe à payer le 13e mois à ses salariés, lui qui avait retenu aussi bien les primes de participation que les primes d’intéressement. Mais, pourquoi donc l’entreprise serait-elle en crise ?
La crise que le Groupe Barrière traverse n’est pas financière. Elle est plutôt familiale et trouve ses origines dans les préjugés que Dominique Desseigne nourrit à l’égard de son fils Alexandre qui va être à la tête de la direction de la stratégie et du développement. Si le père « compte se maintenir jusqu’à l’âge de 85 ans », c’est parce qu’il estime que son fils de « 33 ans, n’est pas capable de diriger le groupe » comme l’indique une source interne. Et pourtant, actuellement âgé de 77 ans, Dominique Desseigne « montre parfois des signes de faiblesse et des absences ».
Bien que cette crise familiale reste sournoise pour l’heure, il est possible que dans les jours à venir, elle éclate. Surtout que le père lui-même n’est pas actionnaire et que seuls ses enfants, Alexandre et Joy (30) qui vient de faire son entrée au conseil d’administration, détiennent les 60% du capital. Une fois que la clause de l’usufruit contenue dans le testament de Diane Barrière-Desseigne prendra fin dans quelques mois, Alexandre et Joy prendront les affaires en main de manière autonome. Pour le moment, Alexandre se contente de définir la stratégie de l’entreprise comme l’a souhaité son père en le remplaçant par Vincent Arnaud à la tête des hôtels et restaurants du groupe.
Un actionnaire ambitieux et inquiet d’une gestion patrimoniale
La question véritable est celle de savoir si Marc Ladreit de Lacharrière attendra patiemment un tel dénouement. Avec 40% du capital, Fimalac affiche de plus en plus clairement son exaspération. S’adressant aux enfants de Dominique Desseigne, il leur précise que « le patrimoine s’hérite, mais pas les fonctions ». Sous anonymat, un administrateur détaille le courroux de Marc Ladreit qui reproche à Dominique Desseigne son manque d’ambition et sa gestion patrimoniale de l’entreprise. « Ladreit croyait aux diversifications dans les jeux en ligne et à l’international, mais toutes ces initiatives ont été des fiascos ». Certains, en raison de son impatience, parient sur le départ de Lacharrière. D’autres comme Nicolas Sarkoy qui siège au conseil d’administration du groupe lui apportent son soutien malgré leur différend. Alors, comment tout ceci va-t-il se terminer quand on sait qu’Accor est prêt à sauter sur l’occasion ?
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